Évêque de Tournai, Mgr Guy Harpigny est, avec Mgr Johan Bonny, évêque d’Anvers, un des deux représentants du culte catholique auprès du gouvernement fédéral. Comment recevez-vous les regrets de catholiques qui considèrent que les évêques ne défendent pas suffisamment les sacrements et la liberté de culte ? Ils pensent que ce sont les évêques qui décident si, oui ou non, les catholiques peuvent se rassembler en temps de pandémie, mais ils se trompent. Nous vivons dans un État de droit, et nous devons faire confiance à nos représentants politiques qui ont autorité sur cette question. Les évêques, comme les représentants des autres cultes et convictions, essayent donc de traverser cette épreuve en respectant les responsabilités de chacun.
N’oublions pas non plus que les mesures ne sont pas arbitraires et qu’elles n’ont pas pour but de nous ennuyer, mais de nous protéger. La santé publique est du ressort des pouvoirs publics. Beaucoup trouvent cependant injuste que la jauge soit plus stricte dans les lieux de cultes que dans les supermarchés. Les cultes sont considérés en même temps que le monde culturel. Je rappelle que celui-ci est totalement à l’arrêt et qu’il perd de l’argent. Nous, nous pouvons continuer à célébrer la messe et nous restons financés. Nous n’avons donc pas le droit de nous plaindre. Nous pensons bien entendu que la jauge devrait tenir compte de la surface des lieux de cultes ; c’est ce que nous avons demandé plusieurs fois au monde politique. Jusqu’à présent nous ne sommes pas entendus. Ne comptez cependant pas sur moi pour avoir une confrontation avec l’État. Quand quelque chose ne me semble pas ajusté, je le dis, mais dans le cadre du dialogue. Ce dialogue est-il possible ? Par deux fois, le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, a tweeté sa décision concernant les cultes quelques heures avant de vous rencontrer…
Le représentant d’un autre culte a évoqué des camouflets.
Cet automne, au pied de la deuxième vague, le jeune gouvernement De Croo a dû prendre des décisions dans l’urgence, sans avoir le temps de nous consulter. La consultation est venue par après et elle continue aujourd’hui. Je ne sens donc ni opposition ni mépris. Par ailleurs, à ceux qui rouspètent tout le temps, j’ai envie de demander : que ferait Jésus ? Irait-il trouver le Premier ministre pour dire qu’il faut augmenter le nombre limite de participants au culte, ou servirait-il les plus fragiles dans les hôpitaux ? Arrêtons d’essayer d’avoir, d’avoir, d’avoir sans cesse, comme si tout nous était dû. Plaçons-nous au service du bien commun. En ces temps difficiles, ma demande au Seigneur n’est pas d’obtenir quelque chose pour moi, mais bien : comment, dans cette épreuve, devenir chrétien ?
Mais la messe n’est-elle pas indispensable au croyant ? Ne risquez-vous pas de relativiser son importance ? Je ne vais jamais dire que les sacrements sont inutiles mais il faut accepter cette période transitoire. Je rappelle que la célébration des sacrements n’est pas interdite. C’est le nombre de personnes présentes qui est, pour le moment, limité pour des raisons sanitaires. En France, les évêques n’ont pas accepté cette limite et ont introduit un recours auprès du Conseil d’État… Je sais, mais ils évoluent sous un régime qui est différent du dialogue tel que nous le connaissons en Belgique. Ici, nous veillons à agir en concertation avec tous les cultes et convictions. Certains les disent plus libres parce que non financés par l’État… On peut penser ce qu’on veut, mais ce n’est pas le cas. Notre but et notre rôle ne sont pas la confrontation. Cela le serait si nous étions sous un régime de persécutions. Il faut donc raison garder : notre véritable ennemi, c’est le virus, non l’État. En un an, l’Église en Belgique n’a-t-elle pas manqué de poser un geste symbolique, pastoral, comme le fait le Pape, pour tracer un chemin d’espérance spirituel, alors que beaucoup de Belges souffrent de cette crise ?Les évêques ont tous parlé, écrit, communiqué par streaming, dans des vidéos. Qui les écoute et les regarde ? Par ailleurs, j’ai encouragé les unités pastorales de mon diocèse à reprendre un maximum de liturgies eucharistiques ainsi que les sacrements du baptême et de la confirmation. À la cathédrale de Tournai, depuis des mois, nous avons multiplié les liturgies par trois, chaque dimanche. Arrêtons de tout focaliser sur les évêques. Tant de chrétiens donnent de très beaux témoignages de l’Évangile en Belgique. Eux aussi nous montrent un chemin de solidarité, d’amour du prochain, dans l’humilité et la confiance en Dieu. C’est sur eux que je compte pour fortifier ma foi. source : La Libre Belgique (29/03/2021), par Bosco d’Otreppe